L’importance d’un plan d’intervention d’urgence

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Traumatismes psychologiques en milieu professionnel – Identifier et prévenir les troubles, gérer les crises, Ph. NEUVILLE, Éditions LIAISONS, 2004

I. REAGIR AU PLUS VITE ET DANS LES MEILLEURES CONDITIONS

La cellule de crise est le nœud du dispositif. Elle doit être constituée préalablement à toute crise et ses membres doivent pouvoir être mobilisés à tout moment. La conception d’un memo des personnes (internes et externes) à contacter d’urgence avec un rappel des procédures d’urgence est très utile.

Une note d’information, spécifique à chaque entreprise, peut être mise à disposition, après la survenance d’une crise, pour le personnel victime ou implique. Cette note permet de donner les premiers conseils immédiats, en attendant l’arrivée de la cellule d’écoute psychologique.

L’importance de la prévention par la formation a déjà été évoquée. La formation donne en effet une connaissance préalable des effets du stress causé par un incident grave ; elle fournit aussi des méthodes de réduction du stress ainsi que des techniques de prévention. Autant de moyens qui permettent de protéger le personnel, au moment de l’incident et longtemps après ce dernier.

Avec la formation des personnels responsables, la rapidité d’intervention est l’autre condition capitale a la bonne conduite d’un programme de gestion de crise. L’intervention rapide offre le double avantage d’atténuer les symptômes à court terme et de réduire grandement le risque de problèmes, parfois très sérieux, à long terme.

La gestion du stress causé par un incident grave vise à protéger et à épauler le personnel, tout en circonscrivant le syndrome de réaction au stress traumatique qui peut causer une baisse du rendement, une hausse du taux d’absentéisme et des problèmes de santé mentale ou physique.

II. LES STRATEGIES D’INTERVENTION

Dans toutes les entreprises où il y a un risque potentiel d’incidents graves, il est vivement recommandé de prendre des mesures préventives.

Il y a tout d’abord la prévention primaire ou les interventions qui précèdent l’évènement traumatique. Celle-ci vise à ce que les situations de stress aigu se produisent le moins possible, et permet de s’y préparer par le biais de mesures structuro-organisationnelles.

La prévention secondaire, elle, a pour objet d’intervenir au moment de la survenance d’un incident caractérise comme traumatisant.

Ces programmes de prévention devront être conçus et adaptes aux besoins et particularités propres à chaque milieu professionnel.

1 — La prévention primaire

La prévention primaire ou les interventions qui précèdent l’évènement traumatique visent à réduire et à empêcher l’apparition de problèmes de santé mentale. Les stratégies de prévention, élaborées en fonction du milieu professionnel et du risque d’incident ou d’accident, contribuent aussi à diminuer l’impact négatif sur le plan humain et financier dans l’entreprise.

La sensibilisation et la formation consistent à leur fournir des informations sur les mesures organisationnelles à adopter, à les préparer à l’identification d’évènements traumatisants et à leurs conséquences possibles. Le but recherche est la sécurité du personnel. Au terme de la formation les participants seront capables de définir une stratégie de prévention adaptée aux risques humains, d’évaluer les conséquences sociales et économiques d’un évènement psychotraumatique et de les prévenir au mieux par la mise en œuvre de moyens d’intervention adaptes.

Cette formation indique notamment, avec l’élaboration d’un protocole consensuel, les éléments de procédures à suivre après un incident, les dispositions précises qui doivent être prises répondant aux questions : a qui, quand et comment signale-t-on qu’un incident s’est produit, quelles sont les mesures à prendre, etc.

Dans l’urgence, il faut naturellement contacter les services de secours et la police, puis mobiliser la cellule externe d’assistance psychologique aux victimes. Avant l’arrivée de la cellule psychologique, dans les instants qui suivent l’évènement, il est remis une note d’information à l’attention du personnel victime ou implique. Cette note a pour objectifs :

– d’informer les victimes sur les symptômes « logiquement » ressentis dans l’immédiat ou plus tard ;

– de communiquer sur la mobilisation immédiate par l’entreprise de spécialistes du traumatisme psychologique ;

– de donner quelques indications sur ce qu’il convient d’éviter de faire lorsque l’on est en état de choc. Il s’agit, par exemple, de déconseiller fortement de regarder des films violents ou les journaux télévises. Voir des images de violence en cas d’état de choc présente en effet un 

réel danger pour l’équilibre psychique dont il faut préserver au maximum les victimes. Par expérience on sait aussi qu’il vaut mieux éviter toute déclaration aux journalistes (surtout radio, télévision). II est fréquent de regretter douloureusement par la suite les propos tenus « à chaud », les paroles prononcées dans l’angoisse ou la colère provoquée par le traumatisme.

II est très important que ce programme de formation soit régulier, une fois par an par exemple, afin de ne pas oublier les procédures à activer lors de la survenance d’une crise. Des mises en situations sont proposées lors de ces formations « de rappel ». Les scenarios utilises peuvent s’appuyer sur l’historique, les types de crises préexistantes. Sans cet apprentissage régulièrement renouvelé, l’expérience montre qu’il est beaucoup plus difficile de réunir toutes les capacités de réactions et d’actions au moment oh survient la crise.

2 — La prévention secondaire

La prévention secondaire englobe toutes les procédures d’intervention de « gestion d’évènements psychotraumatiques ». La prévention secondaire a pour objectif de diminuer et limiter les conséquences humaines d’un évènement psychotraumatique par un dépistage et une prise en charge précoce.

On ne dira jamais assez combien un soutien psychologique immédiatement après l’incident et sur les lieux mêmes est important. Plus l’intervention avec des professionnels de la santé mentale est rapide, plus les conséquences traumatiques sont limitées.

Parmi les moyens de gestion du stress post-traumatique, on compte des interventions structurées comme les séances de désamorçage (cellule psychologique) et de débriefing psychologique après un incident traumatisant.

3 — La cellule d’urgence (séance de désamorçage)

Les séances de désamorçage s’opèrent en groupe de dix personnes maximums, ou en individuel, sous la conduite de spécialistes dûment formés. Elles ont pour but d’aider les victimes à mieux réagir au stress provoqué par un incident grave, à mieux récupérer leur équilibre et d’éviter l’apparition d’un état de stress post-traumatique. Les séances de désamorçage doivent absolument se tenir très vite après l’incident (idéalement dans les 12 à 24 heures) et être suivies d’un debriefing. On invite les personnes touchées par l’évènement à parler ouvertement de ce qui s’est passé, à oser échanger à ce sujet. Ces premiers échanges permettent d’abaisser le degré de stress individuel. Toutefois, dans ce premier temps de l’urgence, on évite de trop faire parler les victimes à chaud ; il s’agit surtout de les rassurer avant qu’elles ne quittent les lieux ou reprennent leurs fonctions, en leur fournissant de l’information sur les symptômes qu’elles éprouvent ou vont éprouver dans les heures qui suivent. Elles sont informées sur le fait qu’il ne s’agit pas d’un quelconque trouble psychique, mais bien d’une réaction normale à un évènement inhabituel, à une situation de stress aigu. Les premiers symptômes physiques éprouvés sont des maux de tête, maux de dos, allergies, insomnie et à plus long terme maladie coronariennes, hypertension artérielle, ulcère, asthme, dysfonctionnements immunologiques et mauvais état de santé général.

Lors de ces séances on reprend aussi les conseils formules dans « la note a l’attention du personnel victime ». Il faut éviter si possible une médicalisation.

Cette intervention d’urgence permet aux dirigeants d’avoir le soutien immédiat d’un spécialiste qui les guidera dans leurs démarches et prendra en charge les personnes traumatisées en leur apportant aussitôt une écoute et établira un diagnostic pour la mise en place du debriefing. Le temps du désamorçage est donc employé aussi pour organiser, quelques jours après, le debriefing psychologique, individuel ou collectif, selon la situation d’une ou plusieurs personnes impliquées dans l’évènement, avec la même équipe de psychologues.

4— Le débriefing technique

Le debriefing technique précède le debriefing psychologique. Il permet de porter un jugement critique sur la pertinence des procédures appliquées lors de la crise. II permet également de mettre en évidence les dysfonctionnements éventuels et de lancer les premières bases d’une réflexion quant à leur amélioration.

Le debriefing technique doit être minutieusement préparé par tous les acteurs du staff technique qui est invite à y participer. Il s’agit de satisfaire à « l’exigence de vérité » des victimes, de faire le choix des interlocuteurs, celui qui devra annoncer une mort, par exemple.

5 — Le debriefing psychologique

Le concept et la pratique du debriefing sont nés dans l’armée américaine pendant la Seconde Guerre mondiale. Le but poursuivi alors était l’amélioration de la capacite opérationnelle des combattants.

Au cours des années 1960, la méthode a été transposée en milieu civil. En France, cette technique (réadaptée) a pris de l’ampleur en 1994-95 lors des attentats.

Tel que pratique aujourd’hui dans I ‘Hexagone, le debriefing est une technique élaborée par des spécialistes comme le Pr Crocq. II s’agit d’une méthode incitant les victimes à exprimer ce qu’elles ressentent confusément, ce qui leur vient spontanément à l’esprit, et non pas à raconter ce qu’elles savent.

Le debriefing appartient aux coins post immédiats. Les séances de debriefing à la suite d’évènements traumatisants représentent des démarches psychologiques et collectives structurées, par lesquelles on vient en aide à ceux qui en ont subi les effets, en atténuant en intensité et en durée les réactions physiques et affectives de stress. Il vise ainsi à prévenir l’apparition de l’état de stress post-traumatique. II peut être pratique soit en individuel soit en groupe suivant que l’évènement a touché une personne ou un groupe, comme une équipe de travail. Il est réservé aux groupes constitués : des personnes qui se connaissent, ont l’habitude de travailler ensemble, et devront le faire à nouveau après l’évènement. II est destiné à soigner autant le groupe que les individus.

Cette intervention brève (une ou deux sessions) et structurée se déroule idéalement dans les 48 à 72 heures qui suivent l’incident et sur le lieu même du traumatisme. Elle permet aux victimes d’échanger ouvertement réflexions, sentiments et réactions éprouvés. Les séances doivent être dirigées par des spécialistes confirmes, professionnels en santé mentale et lies au secret professionnel. Ainsi, il y a bien moins de risque de confusion entre intérêts individuels et intérêts communs et pas de pression hiérarchique. Toutefois, les informations pouvant contribuer au bon fonctionnement ou à l’amélioration organisationnelle de l’entreprise peuvent être évoquées, lors du compte rendu verbal systématique au responsable du site, a l’issue du debriefing.

Lors de la séance, les participants seront amenés à verbaliser sur ce qu’ils ont vécu lors de l’événement afin de mettre de l’ordre dans leurs perceptions, leurs souvenirs et leurs émotions, et de remettre du sens sur l’évènement en lui-même.  Il s’agit aussi de fournir un apport théorique afin de rassurer les participants quant à la normalisation de leurs réactions traumatiques et de les aider à trouver des moyens de les passer. Entre autres, le debriefing permet d’éviter les sentiments de frustration et d’isolement inhérents à tout syndrome psychotraumatique. Evènement traumatique survenant dans un cadre professionnel fait basculer l’individu d’une implication professionnelle a une implication personnelle. Le debriefing est un espace de transition entre le moment personnel qu’est l’évènement traumatique et la dimension de l’identité professionnelle commune à chacun des membres du groupe. Il permet donc de repasser d’une situation à une autre.

Le debriefing se réalise par groupe de dix personnes maximum avec un ou deux intervenants, selon la gravite de l’évènement, soumis au secret professionnel.

— Quand : 48 à 72 heures après l’évènement. 

— Avec qui : groupe de 5 à 10 personnes impliquées. 

— Qui : professionnel de la santé mentale forme à cette technique. 

— Objectif : permet de faire un bilan technique, de donner la parole à chacun afin puisse mettre des mots sur ce qu’il a ressenti, échanger autour de l’évènement de manière constructive grâce à l’implication du psychologue, trouver des réponses aux troubles ressentis et être sensibilisé a le possible survenu de symptômes afin d’y faire face.

Les différents effets bénéfiques du debriefing psychologique

1. Le debriefing collectif permet d’éviter une excessive individualisation de la prise en charge afin de ne pas renvoyer Ia victime ou le témoin a son isolement.

2. Il favorise l’expression du collectif de travail et préserve ainsi la cohésion de l’équipe en resserrant les liens d’appartenance.

3. II rassure en informant sur révolution possible de Ia symptomatologie (car cette dernière, peu connue, peut être inquiétante), ce qui augmente la tolérance a une souffrance normale dans les circonstances et aide à réduire le risque de dépression.

4. II aide à « normaliser » l’évènement, à minimiser les sentiments de culpabilité et à apprivoiser l’expérience traumatisante tout en favorisant un retour à l’équilibre et en évitant une médicalisation.

5. Par le récit de l’événement, la victime s’expose à nouveau, en pensée, a l’événement traumatique, ce qui favorise une désensibilisation qui peut amener une réaction de reviviscence (flash-back, cauchemars, etc.)

6. Verbaliser les faits, les émotions et les pensées avec un professionnel aide à comprendre Ia nature et Ia logique des symptômes de stress post-traumatique, ce qui favorise leur réduction.

7.. Le debriefing redonne une certaine structure a Ia situation émotionnelle confuse dans laquelle les victimes se trouvent.

8. II aide à enclencher le processus d’acceptation du traumatisme.

9. II aide à intégrer cette expérience, à remettre en question certaines idées inadaptées qui peuvent s’être développées.

10. II aide à atténuer les effets de l’exposition à un évènement traumatisant et à accélérer le processus de récupération.

11. II permet de repérer rapidement les personnes les plus fragilisées, auxquelles on proposera un entretien individuel et, si nécessaire, une orientation vers un réseau local de prise en charge adaptée.

6 — L’entretien individuel

A l’issue du debriefing les personnes à risque sont invitées à un entretien individuel. Le but est de permettre, dans la confidentialité de la rencontre, en tête-à-tête, d’aborder des émotions plus intimes et de diriger, si nécessaire, la victime vers des soins spécialisés. Un ou plusieurs entretiens peuvent s’avérer nécessaires.

7 — En résumé : l’importance d’un programme de gestion de crise humaine dans l’entreprise

Favoriser la prise en charge psychologique des victimes participe de façon importante à la cohésion de l’entreprise et à la confiance de son personnel. La formation en prévision d’un incident et les interventions précoces à la suite d’un incident réduisent l’impact à court et à long terme des évènements psychotraumatiques. A l’inverse, les risques de non-maitrise des effets de tels incidents conduisent à des comportements inhabituels, douloureux pour les victimes et dommageables pour l’entreprise, comme nous l’avons vu précédemment.

Lorsqu’un évènement traumatique survient, l’entreprise concernée doit activer la procédure de « gestion d’évènement psychotraumatiques » et mobiliser les experts afin de limiter les dommages sur le plan humain et les surcoûts financiers qui en découlent toujours. Il importe que le dispositif retenu soit connu de l’ensemble des responsables de l’entreprise (fors de la formation) de façon à éviter toute perte de temps et distanciation dans la mise en œuvre rapide de la prise en charge.

De telles stratégies profitent aux employés et à l’organisme. Les employés s’en portent mieux : leur moral et leur attitude a l’égard du travail et de leur entreprise sont meilleurs, le relèvement du rendement au travail est plus rapide et le nombre de congés de maladie à long terme est moindre, ce qui profite à l’entreprise.

C’est un outil de gestion qui, de par son action, doit convaincre les dirigeants d’une contribution humaine à la valeur de l’entreprise.

La conduite pratique en aval, pour gérer efficacement un évènement grave et traumatisant, repose sur trois aspects.

■ Le commandement

C’est le travail de la cellule de crise, formée à la « gestion d’évènements traumatiques » :

— intervention des opérations de secours et de sauvetage ; 

— veille à une assistance psychologique immédiate, en informant les acteurs impliqués dans le suivi post-traumatique.

■ L’assistance

Mise en place du soutien psychosociale et psychologique aux personnes victimes directes ou indirectes, sur les lieux mêmes de l’accident.

■ La communication

Information active et permanente des personnes concernées et de l’opinion publique.

La cellule de crise

C’est une structure mise en place dans les situations d’urgence qui doit répondre à une mobilisation et une réactivité maximale. C’est un poste de commandement opérationnel sur le lieu de l’évènement pour coordonner l’action de terrain. Ce lieu doit être prééquipé avec tous les moyens de 

communication nécessaires et d’outils tels les plans du lieu de l’évènement, bref toutes les informations dont la cellule a besoin pour fonctionner. II faut également prévoir l’évacuation des victimes vers un ou plusieurs points de regroupement.

La cellule de crise a pour but de coordonner l’action de tous les acteurs de la crise pour faire face le plus efficacement et le plus rapidement possible à des situations exceptionnelles.

Qui participe à cette cellule ?

Cet espace de conduite de la crise est dirigé par un responsable qui a une connaissance approfondie du problème posé. II reçoit l’appui de la cellule communication de crise et est en lien étroit avec les dirigeants de l’entreprise.

Aperçu des prises en charge respectives

• Le responsable gestion de crise :

– identifie les urgences absolues ;

– reparti les grandes fonctions opérationnelles, à partir des structures prévues ;

– s’organise pour traiter tous les problèmes d’interfaces (sites, acteurs internes, acteurs externes) ;

– fait connaitre aux correspondants voulus (‘existence de la cellule, ses coordonnées ;

– est le porte-parole de l’entreprise pour les points de presse tout au long de la crise.

• La cellule communication de crise :

– est l’interface avec le monde de la presse et avec tous les publics en attente d’information (les victimes et leurs proches) ;

– élabore des messages ;

– diffuse des messages.

• La cellule d’urgence psychologique :

– s’occupe de l’accompagnement psychologique des victimes directes et indirectes ;

– gère l’organisation de groupes pour les séances de debriefing collectif dans les trois jours qui suivent.

• La cellule d’appui logistique :

– prépare la salle de crise, tableaux de bord, matériel de liaison, systèmes informatiques, télévision et radio pour suivre ce qui se dit à l’extérieure, etc. ;

– organise l’accueil des personnes arrivant au centre de crise ;

– anticipe tous les risques de dysfonctionnement.

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